Programme Erasmus+
KA2 – Renforcement des capacités dans le domaine de la jeunesse
Coordinateur du projet
IDENTITÉS EN MOUVEMENTS (IDEM)
Le projet « Identités en mouvements » (IDEM) explore une histoire commune à trois continents, celle de la traite négrière du commerce triangulaire qui a conduit à la déportation de 12,5 millions d’Africains entre les XVe et XIXe siècles. Cette première mondialisation tragique impacte encore dramatiquement les relations internationales tout autant que les équilibres internes de nos sociétés. Cependant cette histoire a aussi accouché d’une fusion culturelle inouïe qui a bouleversé la culture mondiale, générant la plupart des courants artistiques qui définissent nos cultures contemporaines (jazz, blues, rock, rap, salsa, samba, etc.).
Créolisation du monde, transculturation : les essayistes ont tenté de caractériser ces transformations culturelles dont chacun d’entre nous, à divers degrés, est aujourd’hui le dépositaire. C’est le fil de cette histoire culturelle que notre projet tente de remonter, sous le prisme d’une exploration de la part profondément métisse de nos identités : ne faut-il pas les comprendre aujourd’hui comme des identités-relations, au carrefour de soi et des autres, d’ici et d’ailleurs, et déterminées par nos engagements, nos pratiques et nos goûts autant qu’héritées ?
Ce projet réunit 4 partenaires d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Europe (Péniel au Bénin, Fondation Pierre Verger au Brésil, Chercheurs d’Autres en Guyane française et Samba Résille en France). Conçu pour des équipes composées de jeunes, d’artistes et de professionnels jeunesse, le projet est un parcours en 4 étapes. Chaque étape est définie comme un espace de rencontres interculturelles et un laboratoire technique et artistique centré sur ce que les équipes, à partir de leurs savoirs et compétences propres, peuvent partager et construire en commun. Visant particulièrement la rencontre des arts traditionnels et des nouvelles technologies (création et diffusion), le projet se fixe les objectifs suivants :
• découvrir des cultures originales (vaudou-yoruba au Bénin, candomblé au Brésil, bushinengué en Guyane) et identifier leurs relations à travers des cours structurés, des expositions et des moments d’immersion (cérémonies et festivités traditionnelles) ;
• développer des compétences techniques dans le domaine audiovisuel à travers la réalisation d’un webdocumentaire (réalisation, prise de son, interviews, diffusion web grâce à l’outil Klynt) ;
• créer librement à partir des expériences capitalisées (fresque d’art tembé dans l’espace public toulousain, création photonumérique et vidéomapping sous la direction du photographe toulousain Stéphane Lepenant).
Partenaires
« La création de la Fondation Pierre Verger est le fruit de deux de mes amours : celui que j’éprouve pour Bahia et celui que j’ai pour la région d’Afrique située dans le Golfe du Bénin. La Fondation se propose, à travers ses objectifs et ses activités, de mettre en valeur cet héritage commun, en offrant à Bahia ce qu’elle sait sur le Bénin et le Nigéria et en informant ces pays de leurs influences culturelles à Bahia », affirme Pierre Verger dans le premier bulletin d’information de la Fondation.
Comme fondateur et président, il fait don à la Fondation de l’intégralité du fonds qu’il a réuni au cours de plusieurs dizaines d’années de voyages et de recherches. La collection est ainsi constituée de 62 000 négatifs photographiques, d’enregistrements sonores et de vidéos. Elle contient également une précieuse collection de livres et d’articles publiés dans diverses revues ainsi que de nombreux documents originaux (correspondance, fiches documentaires, manuscrits divers), et enfin de nombreux objets rituels accumulés au fil des voyages.
Créée en 1988, la Fondation Pierre Verger est une institution privée à but non lucratif, dont les ressources proviennent des droits d’auteur des œuvres de Pierre Verger, de la contribution de ses adhérents et d’éventuelles donations. Elle est installée dans la maison-même où Pierre Verger a passé les trente dernières années de sa vie, en plein cœur du Pelourinho, centre historique de l’ancienne capitale du Brésil, Salvador de Bahia.
La Fondation s’est fixée comme objectifs principaux de conserver et diffuser l’œuvre de Pierre Verger, de servir de centre de recherche, en mettant à la disposition du public le fonds photographique, la bibliothèque et les archives personnelles de son fondateur. Il s’agit de perpétuer et d’approfondir l’étude des influences réciproques entre le Brésil et l’Afrique, d’élaborer des publications sur ce thème, et de susciter des coopérations interdisciplinaires entre anthropologie, histoire, musique, arts et botanique. Elle a également pour but d’entretenir des relations avec d’autres organismes culturels intéressés par la culture afro-brésilienne, et d’assumer une fonction sociale auprès de la communauté locale par l’intermédiaire des activités de son Centre culturel, dédiées à la promotion de la culture afro-brésilienne.
Créée en 2008, l’association Chercheurs d’Autres a pour but de tisser des liens entre des cultures proches ou lointaines. L’ensemble de ses actions cherche à favoriser une meilleure compréhension mutuelle, l’équité et le “vivre ensemble” par une meilleure connaissance des réalités respectives de chacun. Afin de mener à bien sa fonction de passeur de cultures, l’association est implantée en France métropolitaine (Toulouse) et en Guyane française.
Chercheurs d’Autres s’attache à mettre en lumière le patrimoine culturel matériel et immatériel qui dessine les identités et les particularités des peuples au travers de productions donnant la parole aux habitants, qui sont aussi l’occasion de rencontres conviviales et festives sur les différents territoires avec les partenaires locaux. Pour ce faire, l’association utilise des supports variés (expositions, concerts, conférences, ateliers, formations, livrets pédagogiques), et a particulièrement investi le champs cinématographique et multimédia, avec la production de plusieurs court-métrages, documentaires, ainsi qu’un long-métrage primé en France (Anuktatop : la métamorphose, 2015).
D’autre part, depuis 2010, l’association est engagée dans un projet d’échanges intercontinentaux, le Triangle des cultures, qui vise à organiser des mobilités de jeunes et d’adultes dans une démarche de découverte, d’ouverture d’esprit, mais aussi de formation et de professionnalisation.
La méthodologie de la structure repose sur l’association systématique des participants à l’ensemble du processus de création, de réalisation et de diffusion dans une démarche de montée en compétences sociales et professionnelles de chacun. La réciprocité pérenne de ces projets collectifs vise à produire des retombées économiques, sociales et structurelles sur l’ensemble des territoires concernés.
Péniel est une Organisation non gouvernementale qui se donne pour but de se situer au carrefour de toutes les démarches, de donner aux uns et aux autres un instrument efficace d’intervention au Bénin en mettant en œuvre des actions qui couvrent les domaines suivants : culture et formation, environnement, santé, production, développement. Dans chaque domaine, elle s’est fixée des objectifs spécifiques comme suit :
• domaine culturel et formation : promouvoir des manifestations culturelles (hébergement, guides touristiques, excursions, concerts, restauration) / promouvoir l’éducation, la formation, le recyclage / participer à la sensibilisation féminine par le don de documents essentiels ;
• domaine environnemental : créer les conditions favorables pour un changement de mentalités, de comportements quotidiens de la jeunesse / montrer aux jeunes l’obligation qu’ils ont à protéger et préserver leur environnement / réaliser des travaux de service urbain tels le désensablement des rues, le curage de caniveaux, l’enlèvement d’ordures, l’entretien de rue et d’espace vert, la pose de pavés ;
• domaine santé : sensibilisation par des concerts en partenariat avec d’autres ONG sur les MST (maladies sexuellement transmissibles) ;
• domaine production : promouvoir la production animale et végétale par l’agriculture, l’appui en matériels agricoles et la promotion des regroupements coopératifs / encourager les actions qui favorisent le renforcement des liens entre le secteur informel et les PME/PMI ;
• domaine développement : promouvoir toute action de développement sur la base de diagnostic participatif prenant en compte l’intérêt du plus grand nombre / susciter la participation effective des femmes aux efforts de développement durable.
Pour y parvenir, Péniel poursuit une stratégie opérationnelle qui s’appuie sur des séances d’information, d’éducation et de communication, des travaux dans l’espace urbain, l’organisation de manifestations, culturelles, la fourniture d’équipements aux coopératives de femmes et la fourniture de manuels scolaires aux enfants et jeunes des milieux défavorisés.
Mobilités
Du 20 au 26 avril 2019
La promotion d’une culture source
Les 4 délégations composées de 10 jeunes et travailleurs de chacune des structures partenaires, Péniel (Bénin), Chercheurs d’Autres (Guyane), Fondation Pierre Verger (Brésil) et Samba Résille en tant que coordinatrice, se sont rendues à Porto-Novo.
Du 21 au 27 octobre 2019
Les enjeux du métissage culturel
Le projet « Identités en mouvements » explore une histoire commune à trois continents, celle de la diffusion des cultures africaines à travers le monde, et leur fusion au contact d’autres civilisations. Dans ce vaste processus créolisation du monde (Edouard Glissant), la culture brésilienne occupe une place de choix, et après un superbe séjour au Bénin, les partenaires d’IDEM se retrouvent à Salvador Bahia, Brésil.
Accueillis par la Fondation Pierre Verger (célèbre photographe anthropologue français), les équipes de Samba Résille (France), Peniel (Bénin) et Chercheurs d’Autres (Guyane) s’immergent dans la culture afro-brésilienne (candomblé, samba de roda) et tentent de comprendre comment les Brésiliens vivent aujourd’hui leur africanité.
Le projet « Identités en mouvements » est un projet de coopération internationale coordonné par Samba Résille et financé par l’Union européenne dans le cadre du programme Erasmus+ – KA2 – Coopération en matière d’innovation et d’échanges de bonnes pratiques – Renforcement des capacités dans le domaine de la jeunesse.
Du 17 au 23 février 2020
Savoirs traditionnels et nouvelles technologies
Troisième étape de ce parcours, la mobilité en Guyane emmène Samba Résille à la rencontre des Bushinengués, descendants d’esclaves marrons qui se sont réfugiés dans la forêt et ont adopté le mode de vie des indiens d’Amazonie. Intrinsèquement métisse, mais aussi terriblement menacée dans ses équilibres par les projets d’exploitation et la pression culturelle métropolitains, la société bushinengué tente de trouver le point d’équilibre entre mode de vie traditionnel et ouverture à l’extérieur.
Cette mobilité réunit 4 équipes de 10 personnes par structure. Elle est conçue comme un espace de renforcement des compétences culturelles, artistiques, techniques et managériales des personnels et s’attachera particulièrement aux enjeux de la conciliation entre les modes de vie, savoirs traditionnels et les techniques, connaissances des sociétés contemporaines.
La formation comprendra :
• des ateliers de pratique artistique autour de la culture Bushinengué (art Tembé, musique chant et danse) ;
• des modules de formation technique (documentaire, interview, communication et diffusion web) ;
• des séances d’information et de discussion autour de la culture bushinengué ;
• des visites d’immersion dans la culture bushinengué avec une sensibilisation aux questions environnementales.
27 septembre au 3 octobre 2021
La libre expérimentation créative
4ème et dernière étape de ce parcours, l’accueil de nos partenaires à Toulouse a pour ambition de faire la synthèse des recherches précédemment menées en Afrique et en Amérique du Sud, avec une dimension fortement créative et festive : projet de fresque Tembé sur les murs de Samba Résille, créations photonumériques et musicales, partenariat avec la saison nationale d’art contemporain Africa 2020 etc.
Cette semaine d’accueil mobilise une équipe composée de jeunes (4 pers/structure), 4 travailleurs jeunesse/structure et 2 staff/structure (gestion administrative, comptable et communication). Elle est conçue comme un espace de renforcement des compétences culturelles, artistiques, techniques et managériales des personnels et s’attache particulièrement à rendre effectifs et tangibles les travaux collaboratifs réalisés au cours du projet.
Menée conjointement par les personnels de Samba Résille et des partenaires, la semaine d’accueil comprend :
• l’aide à la réalisation d’une fresque Tembé par des artistes guyanais ;
• des modules de montage photonumérique et de vidéomapping sous la direction de Stéphane Lepenant et d’autres collaborateurs toulousains (ISPRA) ;
• des modules de création musicale autour de la notion de patrimoine partagé ;
• la prise en charge des équipes partenaires (tourisme, repas partagés, festivités etc.) ;
• l’exposition des résultats des ateliers dans le cadre de la saison Africa 2020 ;
• le séminaire de clôture du projet.
Témoignage
Alukus de Guyane et du Bénin, Simonet sur les traces de ses ancêtres
Mobilité Bénin 20-26 avril 2019
> Brève histoire des Alukus de Guyane
Les ancêtres des Alukus de Guyane étaient des esclaves d’Afrique de l’Ouest qui ont marronné, ils se sont enfuis des plantations où ils étaient captifs. Poursuivis, ils ont dû se défendre pour conserver leur liberté durement reprise. Le marronnage, c’était pour résister à l’esclavage, mais aussi pour « se reconstituer, se reconstruire », dira Simonet.
Réfugiés dans la forêt, ces individus à nouveau libres se sont effectivement constitué une nouvelle identité, issue du mélange de plusieurs ethnies africaines, et intégrant leur épreuve de l’esclavage. La langue est en partie reconstituée et en partie renouvelée. Les esclaves n’ayant pas le droit de parler leur langue, des éléments se sont perdus, d’autres ont été apportés par des membres de plusieurs ethnies. Tout comme pour la religion, le mode de vie, la musique, les chants… Tous ces pans de la culture ont subi des transformations liées aux conditions de capture des esclaves (séparation des familles), au mode de vie dans les plantations (interdiction ou tolérance pour certaines pratiques) et à la « fusion » des cultures des membres de différentes ethnies qui se sont regroupées dans leur fuite.
Poursuivis, les Alukus se sont réfugiés dans la forêt profonde où ils se sont liés avec les Wayanas, des Amérindiens d’Amazonie. Ceux-ci les ont aidés à s’adapter à la vie dans cet environnement. Puis les Alukus se sont installés sur les rives du fleuve Maroni.
En Guyane, « Bushinengue » est un terme générique qui désigne plusieurs ethnies dont les ancêtres étaient des negmarrons : Alukus (ou Boni), Saramaca, Paramaka, Djuka (ou Aukan). Les Bushinengue représentent 70 000 personnes en Guyane et 120 000 au Suriname. Ils ne reconnaissent pas la frontière entre les deux pays.
> Premières connexions
Dès son premier réveil au Bénin, Simonet Doudou, membre de l’équipe de Guyane et chef coutumier aluku du village de Boniville sur le Haut Maroni, installe un lieu de culte provisoire au pied d’un arbre, tout près du bâtiment où nous dormons. Il y fait une brève cérémonie, pour demander aux ancêtres d’ici et du Haut Maroni que ce projet soit une réussite.
Après le petit déjeuner, nous nous rendons pour notre séance de travail dans le centre culturel, artistique et touristique qui s’appelle « Ouadada », qui signifie ici « Bienvenue ». Or, dans le Maroni, on dit « Ouada » pour souhaiter la bienvenue aux visiteurs, et le nom d’artiste de Cécilon Dada, autre participant à la mobilité, musicien reggae, est « Ouadada » ! Des similitudes qui en augurent bien d’autres…
L’après-midi, Gérard, directeur de Ouadada, nous fait visiter les places vaudous de la ville de Porto-Novo réhabilitées par l’intermédiaire de son centre et mises en valeur par des artistes béninois. Un prêtre vodun réalise alors une petite cérémonie et invite Simonet à formuler silencieusement un souhait. Il nous dira plus tard qu’il a demandé de pouvoir rencontrer des Alukus d’ici. Il constate aussi la proximité des rites mortuaires d’ici et de là-bas : « On n’a pas autant de choses mais on a le même résultat. » Et il remarque la similitude entre le Roi visité en fin de journée et le « Grand Mon ».
> À la recherche des Alukus du Bénin
Le jour suivant, alors que nous parcourons la capitale pour découvrir le patrimoine architectural afro-brésilien, Simonet s’entretient avec une Béninoise sur le marché. Elle lui confirme qu’il y a bien des « Alukus » dans la ville.
Les équipes se rendent le lendemain à Ouidah, la ville d’où partaient les esclaves. Pour de nombreux participants au projet, cette journée est particulièrement forte en émotions. Fouler ces lieux fait vibrer les êtres que nous sommes, questionne notre origine, notre histoire, notre identité, participe à notre voyage intérieur. Beaucoup, comme les Alukus de Guyane ou des Brésiliens, ont des ancêtres qui ont subi ces épreuves et effectué la terrible traversée. Ici, l’Histoire de l’humanité marquée par l’esclavage résonne avec l’histoire des individus.
Sur le chemin du retour, Simonet confie son désir intense de rencontrer des Alukus du Bénin avant de repartir. Il veut « prendre des nouvelles de la famille ». Et le soir, les Guyanais jouent sur leurs percussions traditionnelles pour remercier les divinités de leur accueil.
> La rencontre
Grâce à Gérard, le directeur du centre Ouadada, une rencontre est organisée entre Simonet et un Aluku du Bénin. Deux personnes de Samba Résille, Simonet, Gérard et notre « intermédiaire » nous rendons dans un bar de la ville. Nous apprenons alors que la personne que nous attendons s’appelle plus exactement « Minakode Aluku », un député très apprécié de la population.
Simonet nous en dit alors un peu plus sur ses ancêtres. En Guyane, les Alukus ont gardé la mémoire des noms. Ils ont été déportés au Suriname, ont fui, ont été pourchassés. Ils se sont défendus avec quelques armes, couteaux, sabres et… mysticisme. Alors qu’ils fuyaient dans la forêt, ils se sont liés avec les Boni avec qui ils ne forment qu’une seule famille. Ces esclaves venus du Nord du Bénin étaient des guerriers. Puis, les Alukus ont rencontré les Wayanas en remontant le fleuve pour aller vers une zone plus sûre. Et s’il y a eu quelques conflits entre eux, ils ont fini par s’entendre et par se soutenir.
Le député « Aluku » arrive. Simonet lui raconte l’histoire des Alukus de Guyane, cite les villages dans lesquels ils vivent, qu’ils ont créés. S’ensuit une digne embrassade et Simonet sort sa tenue traditionnelle tandis que Gérard explique le projet IDEM. Le député ne parle pas français, Gérard assure la traduction. Le député précise qu’il est content de nous voir. Le contexte des élections dans les prochains jours ne lui permet pas de faire autant qu’il le souhaiterait, affirme qu’il viendra en Guyane pour rencontrer sa famille. Il est touché par la démarche de Simonet et aurait voulu lui faire rencontrer les différentes branches des Alukus. Simonet est très ému. Le député affirme que le vodun va aller vers Simonet.
Les mots manquent à Simonet : « Les mots que j’ai dits doivent l’emporter sur ce que j’ai oublié de dire. » Pour lui, la cérémonie qu’il a fait à son arrivée a produit « un bon effet ». Simonet dresse aussi le portrait de Boni qui a combattu aux côtés des Alukus, qui s’occupait des femmes et des enfants, et était un grand guerrier. Il parle de la rivière « Aluku Liba », c’est la conquête qui a fait que le fleuve porte ce nom.
Pour le député, c’est grâce au vodun que les Alukus sont tolérants, et s’ils en prennent soin, ils seront riches. Simonet parle du bois et de l’or sur le territoire guyanais aluku, dont ils ne profitent pas. Mais maintenant que Simonet est venu, il va être riche car « le vodun apporte la richesse », affirme le député.
Nous reprenons la voiture et nous sommes conduits à la bibliothèque « Leaders solidaires de Mededjonou », dont le député est un gros donateur. Un instituteur vient nous la présenter.
Puis nous repartons et nous nous enfonçons dans les villages vers la frontière avec le Nigéria pour rejoindre la maison du député. Nous la reconnaissons immédiatement : un immense bâtiment à trois étages qui côtoie de modestes habitations juste à côté. Sur la terrasse, de grands portraits des parents, oncles et tantes du député attirent le regard. Il nous les présente et Simonet les prend en photo. Après nous avoir introduits dans le salon, le député effectue plusieurs va-et-vient. Nous comprenons qu’il bouleverse son emploi du temps (nous sommes à deux jours des élections) pour recevoir Simonet. Puis il nous invite dans une petite salle à l’extérieur, où il nous montre différentes poteries, dont chacune représente un aïeul.
Alors que nous nous apprêtons à retourner au centre Ouadada où les autres membres sont en pleins préparatifs de notre repas international, on nous annonce une nouvelle rencontre…
> Un moment royal
Après le député, c’est chez le roi des Alukus que nous sommes conduits. Plus précisément, comme l’annonce l’inscription à l’entrée du palais : « Sa majesté Kpotéhoun Allanmakoun 18eme Roi d’Adjarra, intronisé le 19 octobre 2018 ». Une autre inscription liste tous les rois d’Adjarra qui l’ont précédé, jusqu’au fondateur Attawa, qui a régné de 1722 à 1749.
Après son intronisation, le roi a passé plusieurs mois dans un couvent vodun, et il est ici depuis 3 semaines. Les salutations au roi se font à genou, tête inclinée vers le sol. Simonet lui dit qu’il est heureux de le rencontrer car il ne s’y attendait pas, et il lui retrace sa quête : lorsqu’il a dit à des Béninois qu’il était Aluku, on lui a dit qu’un député s’appelait ainsi, la confirmation par la femme du marché… Alors il s’est dit qu’avec « la grâce des divinités, il allait essayer de les rencontrer ». À Ouidah, il a posé la question à un guide qui a dit qu’il allait lui faciliter la tâche, sa confiance est devenue plus forte et il en a parlé à Gérard de Ouadada et à Hamza, de Samba Résille. La rencontre n’était pas prévue, Simonet aurait voulu lui donner un présent.
Le roi demande alors à Simonet de se mettre à genou et il le bénit (Gérard assure la traduction). « Que les divinités protègent ta vie, que tu n’aies pas de malheur, que tu aies du bonheur dans ton foyer, de la joie, de la richesse. » Puis le roi bénit le député qui a permis cette rencontre avec Simonet : « Que Dieu vous rassemble, vous ne vous oublierez pas et vous vous entendrez pour toujours. » Le roi bénit le groupe, nous souhaite un retour en paix, dans la tranquillité et « que nos étoiles brillent éternellement ».
> Le partage
Nous rentrons au centre Ouadada en compagnie du député qui a accepté notre invitation, de manière à échanger avec les autres membres alukus du projet, mais aussi pour partager cette rencontre avec tous les participants. Car cette mobilité au Bénin a été conçue comme un retour à la culture-source, et ces retrouvailles avec les descendants d’ancêtres communs sur le continent africain en sont un beau symbole.
Et après quelques échanges formels, cette rencontre improvisée se fait de façon spontanée et évidente pour tous : en danse et au rythme des percussions !
© Cécile Benoist, Avril 2019 – Projet K2 IDEM – Erasmus + / Samba Résille
Par-delà les mots…
Dans les interstices de la mobilité
Brésil, 20-26 octobre 2019
No Brasil, toda criança que ouve um tambor responde com seu corpo. Dona Cici
« Au Brésil, chaque enfant qui entend un tambour répond avec son corps. »
Au Bénin déjà, lors de la première mobilité du projet IDEM, nous avions pu en faire le constat : les limites de la langue. Dans les groupes de Toulouse, de Guyane et du Bénin, peu de membres parlent portugais et, du côté des Brésiliens, même chose pour le français ou l’anglais. Quoi de plus frustrant pour des personnes qui se rassemblent et qui ont soif d’échanges ? Spontanément, intuitivement, communiquer c’est parler… l’envie de savoir, de questionner, d’expliquer. Dans le court délai imparti de la mobilité, la compréhension des mots serait plus qu’utile !
Pourtant, on sait que la communication réside en grande partie au-delà du langage : dans les gestes (cette façon si chaleureuse de se saluer au Brésil), dans les regards (complices, séducteurs, interrogatifs, dérangeants, affectueux, impénétrables, admiratifs), dans les mouvements (prendre une place, laisser sa place, effleurer un visage, poser sa main sur le bras de l’autre), dans les souffles, les sourires et les soupirs (de chaleur, d’agacement, de fatigue, de soulagement). Au cœur de nos pratiques culturelles et artistiques, on joue aussi avec ce caractère parfois impénétrable de la langue, en scandant des chansons dont on ne comprend pas toujours le sens des mots car dépourvus de la culture qui permettrait de le saisir. On se laisse emporter par les mélodies et les rythmes.
D’ailleurs, une langue ne se limite pas aux mots, elle est empreinte d’une musique, avec des tonalités, des cadences, des syncopes, des harmonies, des tempos, des énergies, des silences. Selon Carlos Barros, notre guide-chanteur lors de la visite du Pelourinho, le « parler chanté » de Bahia vient des langues Fon et Yoruba du Bénin. Si les mots ont été oubliés, la mémoire de la mélodie de ces langues s’est perpétuée.
Malgré l’esclavage, l’éloignement spatial et la distance temporelle, les corps ont aussi gardé la mémoire des rythmes et des gestes, des danses. Ainsi nous avons été nombreux à être frappés par cette connivence entre les Béninois et les Brésiliens, la compréhension des noms des divinités avant même que le traducteur ait ouvert la bouche, l’extrême similitude des rythmes, des instruments, des danses, des rites religieux que nous avons pu constater tout au long de cette mobilité à Salvador.
La communication par le langage reste d’une richesse infinie, mais les limites qu’elle pose dans ce projet amènent à faire un pas de côté pour porter une attention particulière à ce qui se passe au-delà des mots et notamment à être attentif aux émotions et aux sensations, les nôtres et celles les autres. À ce qui nous fait réagir ou bouillonner, à ce qui nous intimide, nous affole, nous met mal à l’aise, à ce qui nous ébranle, nous agite, nous rassure, à ce qui nous donne le vertige, à ce qui nous agace, nous met en colère, nous attire, nous enflamme ou nous fait rire, à ce qui nous enthousiasme, nous inspire, nous galvanise. Accepter ce débordement d’émotion alors qu’on assiste pour la première fois à une cérémonie de candomblé ou ces larmes qui montent en apprenant un chant (dont on ne saisira le sens qu’en le traduisant au retour). Constater qu’un rythme nous fait frémir tandis qu’un autre nous laisse indifférent, se réjouir que le courant passe particulièrement avec cette personne dont je ne comprends pas la langue, porter un regard nouveau sur un voisin perçu jusqu’alors comme hostile. Déceler un visage sur une façade par effet de paréidolie, s’émouvoir d’une connexion entre une lecture et l’instant présent, être saisi par un jeu d’ombre et de lumière. Noter que la plupart des Français n’apprécient pas le gombo, cet aliment gluant prisé dans la cuisine brésilienne alors qu’ils se régalent des acarajés…
Chacun peut saisir ce qui rôde, ce qui flotte, ce qui crée une atmosphère, que ce soit dans le cadre du programme ou pas, car une mobilité se joue aussi dans les interstices des discussions, des activités organisées et des visites. Il y a ces petits moments de contemplation du paysage urbain dans l’attente d’un Uber, des échanges de regards avec les habitants d’un quartier « périphérique », la curiosité hésitante des enfants qui attendent le début de leur atelier, des silences délicieux lors des repas, le relâchement partagé lors d’une pause cigarette, cette conjuration de la fatigue dans des fous rire autour d’une eau de coco ou d’une caïpirinha. Des instants minuscules remplis de pépites d’émotions et de sensations… tout ce que je ne note pas dans le cahier qui me suit partout pendant les mobilités.
© Cécile Benoist, octobre 2019 – Projet K2 IDEM – Erasmus + / Samba Résille
Além das palavras…
Nas lacunas da mobilidade
Brasil, 20-26 de outubro de 2019
No Brasil, cada criança que ouve um tambor responde com o seu corpo. Dona Cici
Já no Benim, durante a primeira mobilidade do projecto IDEM, pudemos observar o seguinte: os limites da língua. Nos grupos de Toulouse, Guiana e Benin, poucos membros falam português e, no lado brasileiro, o mesmo para francês ou inglês. O que poderia ser mais frustrante para as pessoas que se reúnem e têm sede de trocas? Espontaneamente, intuitivamente, comunicar é falar… o desejo de saber, questionar, explicar. No curto espaço de tempo da mobilidade, a compreensão de palavras seria mais do que útil!
No entanto, sabemos que a comunicação está muito além da linguagem: nos gestos (esta forma calorosa de se cumprimentar no Brasil), nos olhares (cúmplices, sedutores, interrogativos, perturbadores, afetivos, impenetráveis, admiradores), nos movimentos (tomar um lugar, sair do seu lugar, escovar o rosto, colocar a mão no braço do outro), na respiração, nos sorrisos e suspiros (calor, irritação, fadiga, alívio). No coração das nossas práticas culturais e artísticas, jogamos também com este carácter por vezes impenetrável da língua, cantando canções cujo significado nem sempre é compreendido porque não temos cultura para o compreender. Deixamo-nos levar por melodias e ritmos.
Além disso, uma língua não se limita às palavras, é marcada pela música, com tonalidades, cadências, sincopações, harmonias, tempos, energias, silêncios. Segundo Carlos Barros, nosso cantor-guia durante a visita ao Pelourinho, a musicalidade do português da Bahia vem dos idiomas Fon e Yoruba do Benin. Se as palavras foram esquecidas, a memória da melodia destas línguas foi perpetuada.
Apesar da escravidão, distância espacial e distância temporal, os corpos também guardaram a memória de ritmos e gestos, danças. Muitos de nós ficamos impressionados com essa cumplicidade entre beninenses e brasileiros, a compreensão dos nomes das divindades antes mesmo de o tradutor abrir a boca, a extrema semelhança dos ritmos, instrumentos, danças e ritos religiosos que pudemos observar ao longo dessa mobilidade em Salvador.
A comunicação através da linguagem permanece infinitamente rica, mas os limites que ela coloca neste projeto levam a dar um passo atrás para prestar particular atenção ao que acontece além das palavras e, em particular, para estar atento às emoções e sensações, nossas e dos outros. Ao que nos faz reagir ou borbulhar, ao que nos intimida, nos assusta, nos deixa desconfortáveis, nos sacode, nos agita, nos tranquiliza, nos deixa tontos, nos irrita, nos irrita, nos irrita, nos atrai, nos inflama ou nos faz rir, ao que nos entusiasma, nos inspira, nos galvaniza. Aceite este transbordamento de emoção ao assistir pela primeira vez a uma cerimónia de candomblé ou às lágrimas que surgem quando aprende uma canção (cujo significado só compreenderá quando a traduzir no seu regresso). Perceber que um ritmo nos faz tremer enquanto outro nos deixa indiferentes, alegrarmo-nos por a corrente ser particularmente forte com esta pessoa cuja linguagem não compreendo, olhar de novo para um vizinho que antes era percebido como hostil. Detectar um rosto numa fachada pelo efeito da paraeidolia, mover-se por uma ligação entre uma leitura e o momento presente, ser agarrado por um jogo de luz e sombra. Note que a maioria dos franceses não aprecia o quiabo, um alimento pegajoso que é popular na cozinha brasileira enquanto desfrutam de acarajés…..
Todos podem compreender o que está a rondar, o que está a flutuar, o que cria uma atmosfera, seja no quadro do programa ou não, porque a mobilidade também se realiza nos interstícios dos debates, das actividades organizadas e das visitas. São estes pequenos momentos de contemplação da paisagem urbana enquanto se espera por um Uber, trocas de olhares com os habitantes de um bairro « periférico », a curiosidade hesitante das crianças à espera do início do seu atelier, deliciosos silêncios durante as refeições, o relaxamento partilhado durante uma pausa para fumar, esta conjectura de fadiga no riso louco em torno da água de coco ou de uma caipirinha. Pequenos momentos cheios de nuggets de emoções e sensações… tudo o que não percebo no caderno que me acompanha por todo o lado durante as mobilidades.
© Cécile Benoist, octobre 2019 – Projet K2 IDEM – Erasmus + / Samba Résille
Traduzido com www.DeepL.com/Translator
Création du logotype IDEM
Durant la première réunion en mai 2019 sur l’identité visuelle du projet, le groupe Art visuel a défini les idées » clés » suivantes :
– Un arbre, c’est le point commun à toutes nos cultures
– Des drapeaux, des couleurs pour représenter nos pays, nos cultures, nos diversités
– Du mouvement comme une dynamique ou une évolution
– Des racines,
– Des personnes
Voici les premières recherches soumises aux votes des participants pour guider Stéphane Lepenant, graphiste, vers le logo final qui représente cette coopération.